Les 3 ingrédients de la confiance 

Depuis quelques décennies, nous assistons à une érosion continue de la confiance dans les gouvernants et les médias, nous menant à une défiance massive. Malgré les campagnes pour prévenir les risques psycho-sociaux, le monde du travail est devenu une cause majeure de souffrance. Ethique douteuse,  conflits d’intérêt, manipulations, et autres ego-mania en sont probablement les grandes causes. Le philosophe Eric Sadin évoque même “la victoire définitive de la vanité sur la responsabilité”, autrement dit, le bien commun passe après l’intérêt individuel. 

Cela devrait nous alerter, en tant que citoyen mais aussi en tant que responsable d’entreprise. 

Sans confiance, la peur prend les commandes, les tissus sociaux et économiques se délitent très rapidement et les dérives autoritaires s’installent. Pour preuve, Paul Zak, directeur du « Center for Neuroeconomics Studies », a montré que les pays pauvres sont en grande partie ceux ayant un niveau de confiance faible. Si nous n’y prenons garde, nous serons pauvres à cause du manque de confiance plus vite que par manque de ressources. La planète s’en portera peut-être mieux, mais en ce qui concerne nos possibilités de faire face aux multiples défis et transformations, c’est moins sûr !

Comment mobiliser son énergie positive dans un monde aussi anxiogène, incertain et même créateur de défiance ? La confiance peut-elle être restaurée ? 

Pour comprendre les enjeux, nous devons comprendre la nature même de la confiance. 

Qu’est-ce que la confiance ? 

Trois éléments inséparables forment le coeur de la confiance :  la confiance stratégique, la confiance sociale et la confiance en soi. 

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Confiance stratégique

La confiance stratégique est celle que nous ressentons lorsque, par exemple, l’organisation pour laquelle nous travaillons, se dote d’une vision claire et se donne les moyens d’atteindre ses objectifs. Nous pouvons faire confiance parce que nous comprenons la vision et les moyens mis en oeuvre pour y parvenir. 

Confiance sociale

La confiance sociale est celle que nous avons vis-à-vis de nos semblables, celle qui fait dire « j’ai confiance dans les personnes autour de moi ». Dans certains pays (Russie, UK, France, Brésil, Italie, Espagne, Israël), à peine 3 personnes sur dix sont en mesure d’affirmer avoir confiance en l’autre ! Les 7 autres se méfient plutôt ! (Source : https://ourworldindata.org/trust)

Au travail, cette confiance interpersonnelle est un vecteur fort de cohésion et aussi de résilience. 

Confiance en soi

La confiance en soi est celle que nous avons vis-à-vis de nos propres capacités. Elle résulte de notre auto-évaluation de nos capacités et nos ressources personnelles.

Difficile de faire pleinement confiance en l’autre si la confiance en soi est vacillante. 

Parfois la confiance sociale compensera le manque, mais nous ne devons jamais oublier que nous regardons le monde au travers de nos propres prismes.

Ocytocine, hormone du lien, moteur de la confiance sociale

Derrière la confiance sociale se cache une hormone : l’ocytocine. Elle influence notre empathie et notre capacité à nous connecter aux autres. Or, le mode de fonctionnement ultra-compétitif de nos sociétés crée globalement des carences. En effet, la compétition est liée à la testostérone qui limite la production d’ocytocine et donc limite l’empathie et la générosité. La digitalisation de nos rapports sociaux et plus récemment la distanciation sociale aggravent encore ces carences.

Pourtant, les bénéfices de l’ocytocine sont nombreux, puisqu’un bon niveau d’ocytocine permet :

  • d’améliorer l’espérance de vie (et donc d’améliorer la santé!),

  • de stimuler gentillesse et partage,

  • de faire prédominer l’intérêt collectif sur l’intérêt individuel et

  • de solidifier les relations.

Le confinement a eu pour effet, dans une certaine mesure, de mettre en évidence ce besoin d’empathie, de bienveillance et de générosité. De nombreuses initiatives pour un monde du travail plus respectueux de l’humain ont fleuri, partout. Cet appel est légitime puisqu’il permet de restaurer la confiance et de nombreuses personnes y sont sensibles, sauf quelques-unes, pourquoi ?

Certaines personnes produisent naturellement peu d’ocytocine. La cause ? Elle est souvent ancrée dans les traumatismes infantiles. L’enfant qui a subi des maltraitances physiques ou psychologiques, s’est senti humilié, ne fût-ce qu’une fois, se crée une protection en limitant la confiance dans les autres et en augmentant la prudence voire l’aversion. Certains enfants se sont jurés, consciemment ou pas, de ne plus jamais se faire maltraiter. Plus tard, ils cherchent à occuper des fonctions de direction pour être dans la position dominante. De telles personnes, parfois sans même s’en rendre compte, peuvent devenir, tôt ou tard, toxiques pour le cerveau collectif, car leurs comportements névrotiques, souvent égotiques, empêchent l’émergence de la confiance sociale.  

Comment produire de l'ocytocine ? 

La première source est le contact humain, le toucher (d’où l’importance aujourd’hui de trouver des moyens pour compenser la distanciation sociale).

Le contact par les yeux ou encore le rire sont des moyens efficaces. 

Enfin, tout simplement prendre le temps d’approfondir une relation permet de  produire efficacement de l'ocytocine. Et cela passe par toutes ces petites attentions à l’autre “Comment va ton fils ?”, “Hier tu m’as dit que … ça s’est arrangé ?”. Ces attentions désintéressées, qui sont de véritables moments de considération pour l’autre, sont une façon simple de construire la confiance. 

« La confiance se gagne en gouttes et se perd en litres. » (JP Sartre)

Ne l’oublions jamais.  

Quels enseignements pour les leaders ?

La force d’un système, d’une organisation ou d’un pays, vient en grande partie de l’alchimie entre ces trois éléments de la confiance, avec un focus particulier au niveau organisationnel sur la confiance stratégique et sociale.

Il ne suffit pas, même si ça aide, d’avoir une “vision géniale” pour restaurer la confiance !
Dans un rapport publié le 23 septembre dernier (Reseach Report, Care to do better), Accenture met en évidence l’importance de la confiance et la nécessité pour les dirigeants de s’impliquer dans le bien-être global des salariés, de créer des relations de confiance d’humain à humain, avec pour effet une augmentation des performances de l’entreprise. 

De notre point de vue, ceci n’est encore qu’un micro-bénéfice. Au-delà de la performance, c’est la possibilité de créer des espaces de travail inspirants, réparateurs, où le potentiel individuel et collectif peut s’exprimer. Les organisations sont encore trop souvent source de souffrance. Aujourd’hui elles doivent se demander si elles font partie du problème ou si elles deviennent les solutions. 

Si l’organisation peut se transformer, cela commence toujours par les personnes qui la composent, et notamment par ses dirigeants et managers. En tant que leader, nous avons donc le devoir « moral » de développer une forte conscience et connaissance de soi, pour repérer nos propres comportements anti-confiance et promouvoir les attitudes qui la renforcent.

Et si, en plus, nous pouvons montrer davantage d’attention dans nos gestes quotidiens avec la volonté de créer une vraie relation d’humain à humain, alors nous mettons toutes les chances de notre côté pour faire à nouveau circuler la monnaie du succès : la confiance. 

Comment avancer tout de suite ?

Un premier pas simple, encore plus utile en ces moments de distance, faites preuves de reconnaissance spécifique et de gratitude authentique :

  • à partir d’une observation ou d’une écoute attentive, c’est-à-dire soyez présent à ce que vous faites.

  • Dites encore plus souvent “merci”, “j’ai apprécié …” en contextualisant vos mots. Cela montrera aux autres que vous les prenez vraiment en considération, que vous êtes attentif.

  • Ne prenez pas toujours pour acquis ce qui est normalement attendu.

  • Evitez aussi les mots “intéressant” ou “pas mal” ou les expressions “il me semble que …”, elles déforcent émotionnellement le message.

Et pour ceux qui sont en couple, testez aussi cette approche avec votre conjoint et laissez-vous surprendre. Bon amusement !

Frederic Theismann