« Génial, c’est lundi ! »

Imaginez un monde où le matin nous nous réveillons enthousiastes et inspirés pour aller au travail. Cette phrase n’est pas qu’un message de speaker motivationnel, elle est aussi une aspiration largement partagée par les salariés. 

Lorsque tout s’accélère, nous assistons mécaniquement à un net appauvrissement de la qualité des relations humaines. En  cause, la nature de plus en plus transactionnelle du travail qui laisse peu d’espace et de moyens à la création d’une relation d’humain à humain. Digitalisation et compétition exacerbée entre les individus d’un système ne font qu’accentuer le phénomène. Ce ne serait pas un problème pour des machines, mais il se fait que l’humain est un animal cognitivo-émotionnel ultra-social. Conséquences ? Tensions, conflits, désengagement, méfiance, perte de sens. Or, la force de l’intelligence collective et la capacité à se réinventer, chères à de nombreux dirigeants et vitales pour relever les défis de l’humanité, dépendent fortement de la qualité des connexions entre les humains. 

Innovation managériale ?

Améliorer la qualité des relations interpersonnelles est un vrai challenge tant la question, admise par la plupart, est aussitôt minimisée. En effet, l’innovation managériale fait pâle figure face aux lumières de l’innovation technologique ou financière. Nous trouvons plus sexy de regarder une video sur la nouvelle bluffante voiture électrique Fisker dévoilée au CES 2018 que de parler de bienveillance au travail. C’est qu’il nous faut apprendre à voir ce qui se cache derrière une innovation technologique. Le résultat n’est pas tout, loin de là. Il y a un chemin, fait de milliers d’actes quotidiens, d’entraide, de solidarité, d’essais et d’erreurs, de tensions et de conciliations. C’est ce chemin que nous vous proposons d’explorer aujourd’hui. 

Permaculture COHERENCE

Permaculture

Un bon jardinier en permaculture est un savant mélange entre un visionnaire, un observateur attentif et un spécialiste des inter-relations. En janvier, il peut vous présenter le plan du jardin et vous étonner en juillet lorsque vous découvrez la transposition des idées dans un magnifique jaillissement de couleurs et de formes qui ont nourri et nourriront des familles pendant des mois. Le vrai travail : un savoir, un savoir-faire et un savoir-être qui se laissent inspirer par les feedback du terrain. Ses gestes quotidiens et son attention de tous les instants répondent de façon adaptée aux spécificités de la terre, des graines, des plantes, de la météo, de l’environnement et des inter-relations entre tout cela. Voilà, vous savez tout ! Il n’y a plus qu’à transposer cela dans votre entreprise ! 

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Imaginez une organisation où chacun arrive le matin avec le sourire, sans peur, avec enthousiasme … est-ce un un rêve ? Pas vraiment ! A cause de notre dépendance à la dopamine et au cortisol (voir aussi notre encadré sur les hormones !), nous pensons qu’il est normal de souffrir au travail, nous acceptons de subir et parfois nous contribuons aux tensions, aux plaintes, aux guerres d’influence, aux jeux de pouvoir et à tout ce qui détruit les relations et la cohésion. On peut faire beaucoup mieux. 


Arrière-plan d’une culture du feedback

Posons le décor. D’abord nous devons travailler à développer une maturité relationnelle suffisante. Ingrédients : une bonne dose d’intelligence intra-personnelle, émotionnelle et relationnelle. Nous avons fait le choix d’intégrer à tous nos parcours de leadership ces éléments de développement humain. Ils offrent aux managers et leaders des repères pour passer à une meilleure version d’eux-mêmes, les aidant tant dans leur vie professionnelle que privée. L’offre de formations et d’accompagnement dans ce domaine est pléthorique mais encore sous-utilisée.


 Soft skills are the new hard skills 


Champ de la confiance

Puis il importe de créer et entretenir le champ de la confiance. Il s’agit surtout  de créer une sécurité psychologique suffisante au sein des équipes pour que chacun améliore sa contribution. L’attention doit autant être portée à ce qui renforce la confiance individuelle et collective qu’à ce qui nuit à cette confiance. Il y a des comportements réellement toxiques. Otto Scharmer, professeur au MIT et co-auteur de la théorie U, rappelle régulièrement l’importance cruciale de créer des environnements sans peur, sans cynisme et sans jugement.

Appartenance et autonomie

Dans ce champ, deux nutriments devront être présents en permanence : l’appartenance et l’autonomie. Deux notions qui s’ancrent dans notre ADN, vitales dans les entreprises libérées et dans les organisations les plus innovantes. Se sentir appartenir à une équipe, sentir qu’on vous reconnaît une place quel que soit votre niveau et avoir au moins l’espace d’agir sur les décisions qui vous concernent directement réveillent les potentialités. Certes, le chemin n’est pas facile car il s’accompagne de responsabilités que nous résistons parfois à assumer. Et c’est tellement libérateur car cela nous rend réellement auteur de notre vie et co-auteur de notre travail.

Equilibre entre donner et recevoir

Ensuite, le travail devient (presque) très simple. Il suffit d’aider les managers et salariés à donner du feedback efficient et leur apprendre à le recevoir. Qu’est-ce qu’un feedback efficient ? Une information qui aide le receveur du feedback à avancer vers ses buts et qui renforce la relation entre le donneur et le receveur. Ce message est autant ferme que bienveillant. Nous observons que de nombreux managers ont des difficultés  à donner du feedback négatif, souvent parce qu’ils ont peur de la réaction du receveur. Or, lorsque le feedback est soutenu, donc devient culturel, et que le champ évoqué plus haut est posé, ces peurs se dissolvent naturellement. C’est d’ailleurs ce qu’on observe dans des équipes agiles.

Passer à l’action

La technique n’est rien sans une intention pertinente.

Trois principes décuplent les résultats : pratiquer, pratiquer et pratiquer ! (en acceptant l’inconfort et les erreurs des débuts). Plusieurs techniques de feedback vont soutenir la pratique (iDESC, méthode des 3C, …), et n’oublions jamais que la technique n’est rien sans une intention pertinente et sans le cadre dans lequel on vient poser le feedback. Si la confiance est absente, les meilleures techniques ne porteront aucun fruit ou pire deviendront nuisibles. Personne n’aime être utilisé !

Pour conclure, trois points d’attention

  • Une faiblesse peut souvent devenir une force. En écologie humaine, on ne jette rien, même pas ce qui dérange. On le transforme en une ressource (ce que rappelait, avec beaucoup d’humour David Rendall lors du congrès de Capitalisme conscient en 2017). 
  • « L’ego est le premier destructeur de valeur dans un projet » disait Idriss Aberkane. La réussite personnelle peut s’appuyer sur le narcissisme et l’égocentrisme, mais c’est un frein majeur pour obtenir des résultats durables en équipe, sauf lorsque l’ego arrive à se mettre au service du collectif !
  • Un véritable projet managérial au sein de l’entreprise, qui vise à développer les qualités humaines des managers et des salariés tirera tout le monde vers le haut. Un tel projet est intrinsèquement porteur de sens.

Autant le biomimétisme inspire l’innovation technologique, autant l’écologie humaine peut nourrir l’innovation managériale. Relever le défi de construire des voitures réellement écologiques est intéressant, mais il est plus urgent de relever le défi du « bien vivre  et du travailler autrement ensemble », sans quoi  les voitures éco seront d’une utilité bien secondaire.

Bon travail !

 

Frederic Theismann - Co-fondateur COHERENCE.life

Brigitte Annet - Co-fondatrice COHERENCE.life

 

Découvrez aussi notre slideshare d’introduction au feedback et au feedforward

 

(*1) La permaculture est une éthique et une science de conception systémique de lieux de vie et de systèmes agricoles humains utilisant des principes d'écologie et des savoirs ancestraux ou traditionnels permettant le maintien (ou le développement) de la diversité et la résilience des écosystèmes naturels, avec une performance réellement durable.

(*2) Dopamine : hormone du « but », elle nous met en mouvement vers nos buts, nous stimule pour manger et nous donne ce sentiment d’accomplissement quand un but est atteint. Son but est simple : nous garantir que les choses se font. Avoir une to-do list et pouvoir y barrer les points les uns après les autres génèrent en nous de la dopamine, provoquant ce sentiment de bien-être lié au devoir accompli. Cette hormone est précieuse et largement stimulée dans nos sociétés, bien que nous en ayons oublié le prix: elle est extrêmement addictive. Elle est très dangereuse si elle n’est pas contre-balancée par les hormones sociales que sont la sérotonine et l’ocytocine. L’alcool, la nicotine, le jeu, le téléphone portable, les « beeps » en tout genre de nos applications (WhatsApp, Instagram, Facebook, etc) sont des stimulateurs de dopamine. Et comme toute drogue, au début, c’est sublimissime, et à la fin cela nous détruit.

(*3) Cortisol : hormone liée au stress et source, entre autres, d’anxiété. On la partage avec les mammifères et son but est de nous maintenir en vie en cas de danger. Le cortisol inhibe certaines fonctions le temps du danger, comme par exemple la croissance (les cheveux ne poussent plus, les tissus se réparent moins bien), ou notre système immunitaire ou encore la production d’ocytocine (hormone de l’amour, de la joie, de la confiance, du lien, qui dynamise le système immunitaire, notre créativité et a tendance à diminuer la peur). Le cortisol nous rend moins empathique et moins généreux. Nous ne sommes pas conçus pour être shooté au cortisol tous les jours et toute l’année. Or, quand on travaille dans un lieu hautement stressant où on ne sent pas en sécurité « psychologique » ou auquel on ne se sent pas appartenir, le cortisol s’installe dans nos veines de façon répétée. Un manager qui n’apprécie pas les gens avec qui il travaille entraîne une production de cortisol chez ses salariés, qui peu à peu, selon les sensibilités, vont chercher à se protéger eux-mêmes (défense instinctive) au détriment de l’intérêt collectif.

(*4) iDESC : méthode de communication qui permet de structurer sa communication et son feedback dans le respect de soi et de l’autre. L’acronyme signifie : i pour intention (qui conditionnera tout le reste), D pour description factuelle, E pour émotion, S pour Solutions et C pour Conséquences. 

(*5) Méthode des 3C : méthode de communication qui permet de structurer sa communication et son feedback à partir des trois cerveaux (intellect, émotionnel, physique) et donc en incluant la trilogie « What-How-Why ».

 

Sources Photos : Unsplash.com et fotolia.fr

 

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